COLDITZ




COLDITZ. Oflag IV C


fin février au début avril 1945
Situé en Saxe occidentale, à environ 10/15 km à l’ouest de l’Elbe.
Grand château fort du Moyen-Age (genre Haut Koenigsbourg en Alsace) , mais sur une colline moins élevée qu’en Alsace, puissamment fortifié.
Ce camp servait de lieu de détention à des prisonniers-otages parmi les plus précieux que les Allemands avaient réussi à capturer (le Comte Lascelles, neveu de la Reine d’Angleterre, Randolph, le fils de Churchill, des aristocrates anglais, des aviateurs anglais, américains, canadiens, le Général Bor, héros de la résistance polonaise, etc. ) Tout ce beau monde, au total environ 200 personnes, était royalement installé dans les immenses pièces du château.
Au moment où notre colonne affamée, loqueteuse, épuisée, arrivait à Colditz, chacun des occupants antérieurs possédait une armoire pleine de conserves, de chocolat, de café, de cigarettes, etc., car le camp considéré comme "camp de représailles" était particulièrement soigné par la Croix Rouge.
La première mesure prise fut de partager le camp en deux, une moitié pour les "200 familles", l’autre pour les 3.500 officiers français, chacun de ceux-ci recevant un emplacement au sol de 2 mètres carrés, bien entendu, sans lit ni couverture ni quoique ce soit d’autre.
Je n’oublierai jamais d’avoir assisté, un soir, le ventre creux, à la préparation du dîner par le Comte Lascelles lui—même et ses intimes, avec des pommes de terre (fraîches) sautées au lard et tout ce qu’il fallait pour un repas simple, mais substantiel.
Du côté français, la situation était dramatique. Près des poubelles, il y eut des bagarres autour des tas d’épluchures de rutabaga. Pour s’alimenter coûte que coûte, de nombreux prisonniers assaillaient sans cesse les gardiens allemands, en leur proposant tout ce qu’ils possédaient (alliances comprises).
Pour les autorités allemandes, comme pour les prisonniers anglais, la conduite des officiers français -c’était d’ailleurs mon avis en partie- manquait de dignité et devenait choquante (chocking) et intolérable. Car avant comme après notre passage au camp, tout se passait à merveille du coté anglais. Un des gardiens allemands m’a expliqué le système, en me demandant d’intervenir pour essayer d’appliquer une méthode analogue pour les prisonniers français.
De longue date, les Anglais avaient chargé un seul des leurs de traiter avec un seul allemand, tout le monde feignant d’ignorer ce qui se passait à l’ombre. Le café, nescafé, chocolat, cigarettes américaines s’échangeaient, à un cours fixé d’un commun accord, contre des pommes de terre, des fruits et des légumes et tout ce que les Anglais pouvaient désirer (à l’exception évidemment des récepteurs radio et de matériel d’évasion).
Du coté français, on avait rien à offrir. Dans ces conditions, il était inévitable que le pire allait se produire entre les deux groupes de prisonniers. L’incident majeur éclata en mars 1945, alors que fut annoncée l’arrivée d’un wagon chargé de vivres de la Croix Rouge à la gare proche du camp. Un immense espoir s’était aussitôt levé chez les prisonniers français de voir leur cauchemar prendre fin.
Avant d’en arriver là,, il faut insister sur l’exploit que représentait le fait d’avoir fait parvenir de Suisse à Colditz un wagon destiné à un oflag quand on songe aux effroyables destructions que l’aviation alliée avait causées dans la quasi totalité de l’Allemagne, à quelques mois de la capitulation.
Contrairement aux déclarations de "camaraderie de combat" faites à notre arrivée, les Anglais opposèrent un refus catégorique à partager quoi que ce soit du wagon de vivres "qui avait été expédié, bien avant notre arrivée, à leur camp tel qu’il fonctionnait à ce moment-là". Des négociations orageuses eurent lieu à la suite desquelles le Colonel commandant la partie française, réunissait tous les officiers français pour leur expliquer la situation. De son exposé, je n’en retiendrai qu’une phrase : " J’avais cru avoir à faire à des gentlemen, je n’ai rencontré que des marchands ! " (Après la guerre, les Anglais ont publié un livre dithyrambique, qui a donné lieu une série de films de télévision, sur les exploits (tentatives d’évasion spectaculaires) et le comportement héroïque de leurs chers prisonniers pendant leur captivité à Colditz. Sans nullement mettre en doute ni leur courage, ni leur patriotisme pendant cette période dont j’ignore tout, je crois pouvoir dire qu’ils se sont conduits vis-à-vis de nous comme les derniers des "salauds’. Dans le livre en question, les cinq semaines de "cohabitation" sont passées pratiquement sous silence.
La suite n’a pas traîné. Puisque les Français étaient manifestement trop mal logés et qu’ils étaient "invivables’ aux yeux des Allemands comme des Anglais, le mieux était de faire partir la moitié d’entre eux, le plus tôt possible, vers un autre camp.
C’est ainsi que le 9 avril 1945, environ 2.000 officiers français, dont je faisais partie, prirent la route, à pied, pour le camp de Zeithain, vers l’est, situé à prés de 10 km de Riesa sur l’Elbe, à l’est de ce fleuve qui, peu de temps après, deviendra la frontière entre deux mondes. Si la distance à parcourir n’était pas bien grande, la marche sur 20 à 30 km n’était pas moins pénible.

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